
Côte d’Ivoire-Hamed Bakayoko-Plainte contre Vice Media-Cité dans une affaire de drogue-Pourquoi le ministre de la défense a-t-il saisi le tribunal d’Abidjan ?-Des confidences avant la prise d’une telle décision
Il l’avait promis. Il vient de le faire. Selon des sources dignes de foi, Hamed Bakayoko, après avoir pris conseil auprès de ses avocats et échangé à plusieurs reprises avec le président de la république, Alassane Ouattara, a officiellement porté plainte pour « diffamation » contre les deux journalistes de Vice-Média et des cyber activistes, relativement à l’affaire du « Trafic de drogue » dans laquelle il avait été nommément cité. Lundi 8 juin 2020, dans le feu de l’éclatement de l’affaire dit de « trafic de drogue », le ministre ivoirien de la Défense avait réagi sur sa page Facebook : « J’ai décidé de porter plainte contre Messieurs Ibekwe Nicholas, Daan Bauwens et les relais », annonçait-il, s’insurgeant contre ces « allégations mensongères » qui vont à l’encontre de « ses principes de vie ». Mais plus que l’accusation d’être au centre d’un vaste réseau de narcotrafiquants, c’est le fait d’être cité par un média canadien qui a « assommé » le Ministre d’Etat ivoirien, selon des confidences qui ont échappé des sources proches du dossier. Pendant deux semaines, depuis le 8 juin, Hambak, apprend-on, aurait connu des moments assez difficiles. Tiraillé entre « l’indignation » et « la nécessité de savoir apprécier la réalité du moment en tant qu’homme politique », confie notre interlocuteur. C’est donc après deux semaines à ronger ses freins en attendant la décision de ses conseils, que le ministre a mis à exécution sa menace ce 23 juin, selon un communiqué signé du cabinet d’Avocats, Virtus.
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Hamed Bakayoko : « Avant de porter plainte, il lui a fallu cerner tous les contours »

« Il a fallu cerner tous les contours de cette affaire à la lumière de la lecture des avocats », indique notre interlocuteur. Puis de détailler : « D’abord par rapport au contexte national de l’élection présidentielle. Ensuite par rapport au fait que ces médias sont hors de la juridiction ivoirienne, notamment dans un pays où la liberté de la presse est indiscutable. Et enfin, analyser le moindre mal, entre laisser tomber le soufflet ou poursuivre et s’embarquer dans un marathon qui risque de disperser les énergies du ministre de la défense, alors que l’heure est à concentrer les énergies sur la campagne de la présidentielle qui est déjà à nos portes ». C’est donc avec une maîtrise parfaite du dossier que le maire de la commune d’Abobo a, par le biais du cabinet d’avocats Virtus, officiellement porté plainte. « Vu que Vice médias n’est pas un média de droit ivoirien et surtout connaissant les pays européens par rapport à la liberté de la presse, il fallait circonscrire la plainte dans un premier temps. Cela aura pour effet de couper les relais qui donnent de l’ampleur à un article qui aurait pu passer inaperçu », éclaire notre source. Ainsi, la plainte du ministre a donc été déposée pour diffamation, atteinte à l’ordre public et injures devant le tribunal d’Abidjan. « Pour la sauvegarde de ses droits, M. Hamed Bakayoko, ministre d’État, ministre de la Défense, a déposé une plainte le 23 juin 2020 (…) entre les mains de M. le procureur de la République près le Tribunal de Première instance d’Abidjan », informe le communiqué signé de Me Niamkey Marie-Irène.
La plainte du Ministre Hamed Bakayoko cache-t-elle des calculs politiques ?

A priori, cette plainte qui vise Vice-Média, les journalistes Bauweens Dan Jan et Ibekwé Nicholas, ainsi que des cyber activistes Camara Maïmouna alias La guêpe, proche de Guillaume Soro, et Kyria Doukouré, une inconnue réputée proche du PDCI-RDA qui ont relayé ces accusations « diffamatoires » serait plus redoutable pour les deux « relais » cités que pour le média et les journalistes canadiens. Mais le communiqué signé de Me Niamkey Marie-Irène (avocat à la Cour) souligne également qu’« en matière de délit commis via Internet, la Jurisprudence en Droit International Privé reconnait la compétence des juridictions du lieu où la victime a le centre de ses intérêts pour apprécier l’impact du contenu mis en ligne et donc le dommage ». Sauf qu’à la lueur des lieux de résidences des accusés éparpillés entre la Belgique, le Canada, la France, le Nigeria et les USA, certains observateurs estiment déjà que la plainte du ministre ivoirien contre ces « allégations mensongères » qui vont à l’encontre de « ses principes de vie » obéirait plus à des logiques et calculs politiques qu’à une réelle envie de faire la lumière sur cette affaire. Et punir les auteurs. Vrai ? Faux ? Les semaines à venir devraient situer les uns et les autres.